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Dividendes versés à une SPFPL et cotisations sociales : l'insécurité plane toujours sur les professions libérales

  • Photo du rédacteur: Matthieu GIORDANO
    Matthieu GIORDANO
  • 21 mars
  • 5 min de lecture

  



 

La réintégration des dividendes versés à une SPFPL dans l’assiette des cotisations sociales continue de faire débat.

 

Malgré une réponse ministérielle récente se voulant rassurante, les professions libérales demeurent exposées à une insécurité juridique préoccupante.

 

Entre interprétation discutable de la personnalité morale et qualification implicite d’abus de droit social, les montages classiques des SEL et SPFPL soulèvent de nombreuses questions.

 

 

 

On se souvient que les professions libérales ainsi que l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) s’étaient indignées face à la solution aussi surprenante qu’incongrue qu’avait adoptée la Cour de cassation le 19 octobre 2023 en réintégrant dans l’assiette des cotisations sociales les dividendes versés par une SEL à une SPFPL en faisant complètement abstraction de la personnalité morale de la société holding (Cass 2ème civ. 19 octobre 2023 n°21-20.366).


Dans l’affaire précité, la CARCDSF avait inclus dans l'assiette des cotisations sociales vieillesse d’un chirurgien-dentiste les dividendes distribués par sa SELARL à sa SPFPL, qui rappelons-le, est une société holding destinée aux professions libérales.

Ce chirurgien-dentiste avait notamment fait valoir que les dividendes versés à sa SPFPL ne devaient pas être intégrés dans l'assiette des cotisations sociales, car ces derniers ne constituaient pas des revenus d'activité perçus en tant que travailleur indépendant conformément à la lettre de l’article L131-6 du code de la sécurité sociale, qui, interprétée strictement, ne pouvait conduire à la solution retenue par la Cour de cassation.


En effet, l’article L131-6 du code de la sécurité sociale permet de réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales, et pour la fraction supérieure à 10%, « la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du même code (Code Général des Impôts) perçus par le travailleur indépendant ».


Le moyen selon lequel les dividendes versés par la SEL à la SPFPL ne devaient pas être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales faute de les avoir directement perçus, était des plus cohérents, contrairement à la solution retenue par la Cour de cassation.

Mais la décision de la Cour de cassation a abouti à une solution incohérente et propice à une forte insécurité juridique. La Cour conclut qu’ « il importe peu qu'au regard de la réglementation applicable, la société de participations financières soit dotée d'une personnalité morale distincte et soit soumise à l'impôt sur les sociétés et non à l'impôt sur les revenus ». Elle semble ainsi écarter un principe fondamental du droit des sociétés : la personnalité morale des sociétés et plus précisément dans notre cas de la société holding.


Cet arrêt avait ainsi créé une vague d’indignation et d’incertitude pour les professions libérales qui se voyaient réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales les dividendes versées par leur société à leur holding, dividendes qui bénéficiaient de surcroît du régime-mère fille. Autant dire que l’intérêt de ces structures pouvaient désormais se poser.


Une réponse ministérielle du 27 février 2025 semble vouloir répondre aux inquiétudes des professionnels libéraux. Elle laisse toutefois un goût d’inachevé et soulève encore de nombreuses questions.


Réponse Ministérielle du 27 février 2025 : Clarification ou nouvelle incertitude ?


Le Sénateur M. Jean-Claude Anglars avait ainsi posé la question des modalités d’assujettissement aux cotisations sociales de certains entrepreneurs indépendants suite à l’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 19 octobre 2023. La question était de savoir si un tel arrêt, fut-il radical, avait une portée générale et était de nature à remettre en cause la définition de l’assiette sociale de ces professions telle qu’elle résulte du droit actuel, au grand désespoir dès lors, des professions libérales.

La ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, Catherine Vautrin, a ainsi répondu à la question posée le 27 février 2025 en excluant qu’une telle jurisprudence soit caractérisée de décision de principe. Elle rappelle ainsi que : « la Cour de cassation a, dans son arrêt du 19 octobre 2023 précité, confirmé la décision des juges du fond portant réintégration dans l’assiette sociale de cotisations dans un cas d’espèce précis : celui d’un gérant d’une SELARL de dividendes versés par cette société à une SPFPL, détentrice de parts de ladite société ». Elle conclut ainsi en corrigeant la solution retenue par la Cour il y a 18 mois en rappelant qu’ : « En tout état de cause, compte tenu des particularités de l’espèce et de la conclusion prise en conséquence par le juge, cet arrêt ne saurait être regardé comme un arrêt de principe remettant en cause la distinction entre personnes morales et personnes physiques. Dès lors, il n’est pas prévu de tirer des conclusions juridiques générales en conséquence de cet arrêt ».


Une réponse qui, à première vue, permet de calmer les esprits et d’apaiser les incertitudes partagées par les professions libérales.

Néanmoins, cette réponse n’apporte pas la sécurité à laquelle elle prétend répondre et pose certaines interrogations.


La volonté de sanctionner un abus de droit social ?


La Ministre du travail de la santé, de la solidarité et des familles, justifie la retenue d’une telle solution en énonçant que la Cour : « a certainement entendu tirer les conséquences d’une situation précise dans laquelle l’interposition d’une société holding n’a pu avoir pour autre objet que de contourner la législation sur la réintégration de certains dividendes distribués à un travailleur indépendant au sein de l’assiette de cotisations et de contributions sociales de celui-ci ».


La formule employée ne vous rappelle-t-elle pas la définition d’un abus de droit, posée par les articles L.243-7-2 et R. 243-60-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ?


Quand la Ministre affirme que ce montage avait pour but exclusif d’éluder les cotisations sociales d’origine légale en contournant la législation sur la réintégration de certains dividendes, cette dernière se rapproche de la notion d’abus de droit visant à échapper aux paiements des cotisations sociales.


Mais la Ministre semble oublier que le but législatif principal de la création des SPFPL est l’interposition d’une société holding entre une société opérationnelle et son dirigeant associé majoritaire, qui détient ainsi indirectement et quasi- exclusivement la société opérationnelle par la société holding.


La justification apportée semble manquer de motivation : on sanctionnerait une sorte d’abus de droit fondé sur une remontée de dividendes par une holding à une société opérationnelle, mécanisme plus que classique dans l’arsenal de l’ingénierie des sociétés.

Oui, mais, me diriez-vous, l’interposition d’une société holding permet d’échapper au paiement des cotisations sociales, qui serait de facto dû s’ils étaient versés directement.

Toutefois, la lettre même de l’article L131-6 du Code de la sécurité sociale parle de « revenus perçus » par les travailleurs indépendant.


De plus, ce même type de montage ouvre droit au régime mère-fille qui exonère presque intégralement (sous réserve de la réintégration dans le résultat d’une quote-part de frais et charges de 5%, hors intégration fiscale) les dividendes d’une société versées à une société holding. Un tel type de montage attenue l’impôt, qui serait à hauteur de 30% en cas de distribution directe de dividendes, sans pour autant être qualifié d’abus de droit.


Cette tentative de justification par des notions proches de l’abus du droit ne répond donc pas aux attentes et crée une insécurité juridique supplémentaire.


L’Incertitude Juridique Persistante : SELARL et SPFPL Unipersonnelles


Cette clarification ministérielle laisse ainsi subsister une ambiguïté dangereuse : où commence cette sorte d’abus de droit social ? Où se situe alors la ligne entre une optimisation fiscale légitime et un semblant d’attribut d’abus de droit ?


L’incertitude est de taille concernant les SEL Unipersonnelles et les SPFPL Unipersonnelles presque directement visées par la réponse ministérielle qui sous-entend une sorte d’abus de droit dans le cas d’espèce, la situation litigieuse faisant intervenir une SELARL dans laquelle le requérant était le seul associé professionnel en exercice et une holding détenue à 99% par son propriétaire et à 1% par son épouse.


Cette position ministérielle aboutit encore à une incertitude concernant les SEL et SPFPL Unipersonnelle, ce qui représente une part considérable des professions libérales, notamment les chirurgiens-dentistes.


De même, il est à craindre qu’une telle réponse ne règle pas la question de l’extension d’une telle règle pour les gérants de SARL par exemple (l’arrêt concernait une SELARL), qui ne seraient alors pas épargnés et pourraient ainsi être touchés par la foudre d’une nouvelle décision de la Cour de cassation. 


Matthieu GIORDANO

Avocat


Pauline RUEL

Juriste

 

 

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